Un amour de Swann (film, 1984)

Chronique proustienne

Autour de la vidéo de Jérôme Bastianelli, 'Passion Proust' (56 mn)


Dossier
Crédit
Film 'Un amour de Swann' (1984), Ornella Mutti (Odette de Crécy) et Jérémy Irons (Swann) | copyright Alamy (image achetée par Canal-U, non reproductible)

(l'ensemble du texte ci-dessous est élaboré par A. Moatti, sur la base de la vidéo de Jérôme Bastianelli, de manière libre)

L’orateur fait quelques « considérations proustiennes » à propos de « l’écrivain français le plus connu au monde », que nous retraçons ici (mais l’orateur est bien plus vivant et plus généreusement profus que cette rapide transcription – nous vous engageons à l’écouter).

(NB : vignette du dossier (madeleine): WikiCommons cc-by-sa Lionel Allorge)

Un temps cyclique

À la recherche du temps perdu :  ce n’est pas seulement, comme on le croit souvent, la recherche du temps qui s’est envolé, celui des souvenirs d’enfance ou de jeunesse. C’est aussi la traque du temps perdu à faire des choses inutiles, des choses pour lesquelles on n’est pas vraiment fait : ainsi, à la fin de la Recherche, le narrateur (Proust ?) se rend compte que finalement, sa vie, sa vocation, c’est l’écriture (c’est donc bien le Temps retrouvé).

D’où d’ailleurs, le caractère cyclique de la Recherche : le narrateur, à la fin, convainc son lecteur que lui, le narrateur, est fait pour être écrivain, d’où le fait pour lui d’écrire La Recherche (et pour le lecteur… de la relire du début, ou depuis n’importe quel tome). Caractère cyclique assez bien représenté par le premier mot et le tout dernier mot, après des milliers de pages et de longues phrases entre les deux mots : Longtempstemps. Comme une expansion de l’univers (littéraire ?) entre ces deux mots quasi semblables, et qui se réfèrent au temps, bien sûr...

Sur la madeleine, l’intervenant avertit que ce n’est pas un souvenir effectif, mais plutôt inconscient, une impression, qui se révèlent soudainement. L'irruption d'un passé dans le présent. Presque psychanalytiquement – un « processus épiphanique ». D’ailleurs, une fois qu’une madeleine est révélée, ce n’en est plus une. Et la question des magazines, « quelle est votre madeleine de Proust ? », n’a aucun sens.

Métaphores, maximes et... Bible

Quelques usages stylistiques chez Proust : la métaphore. Une impression qu’il souhaite décrire correspond à une autre impression – un peu comme pour la madeleine. Ainsi les répétitions de la servante Françoise sont assimilées à… une fugue de Bach.

L’humour aussi, assez inattendu chez Proust ; ainsi quand il se moque des erreurs de langage du directeur de l’hôtel de Balbec, et de ses « cuirs » (un mot pour un autre). Proust était aussi un bon imitateur, relatent ses amis.

La Recherche, c’est aussi un recueil de maximes et d’aphorismes. C’est « son côté La Rochefoucauld », dit l’orateur. Exemples : « Les paradoxes d’aujourd’hui sont les préjugés de demain » ; plus intéressant : « Il y a des moments de la vie où une sorte de beauté naît de la multiplicité des ennuis qui nous assaillent. »

L’orateur fait part d’un souvenir personnel : il lit dans Proust une émotion sentimentale analogue à celle qu’il ressentait à ce moment-là, en son adolescence. « Mais comment fait Proust pour décrire exactement ce que je ressens ? ». D’où l’aphorisme suivant lequel « il y a une phrase de Proust pour chaque instant de la vie »… D’où la notion de Bible pour les sectateurs acharnés de la Recherche, ceux qui sont tombés petits dans cette marmite : selon eux, tout y figure ! Ils y trouvent leur vie, leur raison de vivre, dans une vision très globalisante…

Pour terminer, l’orateur donne quelques conseils pour commencer de lire Proust.

Un amour de Swann (film, 1984)
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Film 'Un amour de Swann' (1984), Ornella Mutti (Odette de Crécy) et Jérémy Irons (Swann) | copyright Alamy (image achetée par Canal-U, non reproductible)